En service pour la pastorale des jeunes depuis septembre 2023, je suis amené à
répondre à vos questions car je suis prêtre et marié. Pour moi ces questions sont légitimes.
Vous avez souvent entendu dire que le prêtre doit rester célibataire. Vous n’avez probablement
connu que des prêtres célibataires, car vous n’avez peut-être pas eu l’occasion de découvrir
d’autres traditions ecclésiales catholiques que l’Eglise romaine latine. Effectivement, je suis
issu d’une Eglise orientale où les prêtres sont le plus souvent mariés, ce qui est le cas dans
toutes les Eglises orientales, qu’elles soient catholiques ou orthodoxes.
Quand le message de l’Evangile s’est répandu autour du bassin méditerranéen, il y a
2000 ans, il s’est inculturé dans des régions ayant des cultures variées : araméenne, grecque,
copte, arménienne, et bien sûr latine. Des villes qui avaient déjà un statut politique important
dans l’Empire romain sont devenues également des capitales de la foi, appelées patriarcats :
Alexandrie, Antioche, Jérusalem, Constantinople, et Rome. Chacun de ces patriarcats
célébrait la foi en Jésus Christ dans sa la langue et selon sa culture, mais tous avaient
conscience de partager la même foi. Ces différents patriarcats présentent cependant des
différences de rites et d’usage. C’est le cas par rapport au célibat des prêtres.
Du côté occidental de l’Empire, Rome a développé une tradition du célibat obligatoire.
Du côté oriental, les quatre patriarcats d’Alexandrie, Antioche, Jérusalem, et Constantinople,
ont développé une tradition du clergé marié, à la suite d’un passage de Paul à Timothée : « Le
responsable (episcopos) doit être irréprochable, époux d’une seule femme, un homme sobre,
raisonnable, équilibré, accueillant, capable d’enseigner, ni buveur ni brutal mais bienveillant,
ni querelleur ni cupide. Il faut qu’il dirige bien les gens de sa propre maison, qu’il obtienne
de ses enfants l’obéissance et se fasse respecter. Car si quelqu’un ne sait pas diriger sa
propre maison, comment pourrait-il prendre en charge une Église de Dieu ?» (1Tm 3,2-5).
Ainsi le responsable de la communauté était un homme marié. Les Actes des apôtres
expliquent à plusieurs reprises comment les apôtres choisissaient un « ancien, prebyteros »,
(souvent marié) lui imposant les mains et le chargeant de « veiller sur, epi-scopein » la
nouvelle communauté. Les Eglises orientales ont perpétué cette discipline. A la naissance de
la vie monastique, le célibat a été réservé aux moines uniquement, qui n’avaient pas
nécessairement une charge pastorale, tandis que les prêtres séculiers étaient choisis parmi les
hommes mariés, et cela a duré jusqu’au 16ème siècle. A partir de cette période, suite à des
influences de missionnaires venant d’Occident, les églises orientales ont commencé à avoir
des prêtres diocésains célibataires à côté des prêtres mariés.
C’est le cas dans mon Eglise Maronite qui appartient au patriarcat d’Antioche. Jusqu’à
au début du 20ème siècle, quand une communauté perdait son curé, elle se réunissait, et, après
avoir discerné les aptitudes de ses différents membres, elle choisissait celui qui avait les
aptitudes requises pour lui proposer cette mission. S’il acceptait et qu’il était célibataire, il
devait se marier. Il était présenté à l’évêque qui confirmait l’appel et l’envoyait se former dans
un couvent, ou chez un autre prêtre avant d’être ordonné. Ce nouveau prêtre continuait à
travailler (paysan, instituteur…) pour subvenir aux besoins de sa famille, tout en assurant sa
charge pastorale.
Aujourd’hui le mariage n’est plus obligatoire. Mais le candidat au sacerdoce doit faire
son choix (mariage ou célibat) avant d’être ordonné. Une fois accepté par l’évêque, le
candidat est envoyé se former au séminaire patriarcal universitaire. Souvent, avant d’entrer au
séminaire, le candidat se met d’accord avec son évêque sur son état de vie. Celui qui a choisi
le mariage doit se marier avant l’ordination diaconale, avec une femme qui accepte la charge
de son mari. Il doit ensuite démontrer une certaine stabilité de vie de couple et de famille
avant l’ordination presbytérale. Au Liban, la majorité des prêtres mariés ont un travail,
souvent dans l’éducation, et généralement sa femme travaille aussi. Un prêtre qui a choisi le
célibat ne peut pas se marier après son ordination, de même qu’un prêtre marié devenu veuf
ne peut se remarier.
J’espère que ce petit historique permet de répondre à vos questions, complètement
légitimes. Je reste bien sûr à votre disposition si vous souhaitez prolonger la discussion.
P. Malek CHAIEB