Comme prêtre il m’arrive fréquemment, et beaucoup plus qu’il y a 10 ans, de bénir des personnes s’approchant les bras croisés sur la poitrine au moment de la communion. Viennent s’ajouter à ces personnes toutes celles qui ont décidées de rester à leur place et dont je ne mesure pas le nombre…

Y-aurait-il deux catégories de fidèles ? Ceux qui ont « droit » à l’eucharistie et ceux qui n’y auraient pas droit ? Si c’est ce que nous pensons, nous sommes dans le faux et en plus, cela voudrait dire que nous nous satisferions d’une communauté chrétienne dans laquelle se trouveraient des chrétiens de seconde zone. Cela me gêne profondément, car cela ne me semble être ni en phase avec l’Évangile, ni avec ce que demande l’Église.
Je m’explique car plusieurs situations peuvent se présenter :
- Rappelons avant tout ceci : les chrétiens choisissent et décident en conscience d’aller communier : « Heureux les invités… Prenez et mangez-en tous ». Cela veut dire que le Seigneur m’invite pour se donner et chacun, en conscience, choisi alors de répondre ou non à cette invitation. Après un temps d’introspection, une personne peut décider de ne pas communier et ce choix est infiniment légitime et respectable, mais ce ne peut pas être un choix posé un jour comme définitif et permanent. Le sacrement de la réconciliation est précisément offert pour passer un cap et réenvisager la réponse que chacun veut donner à l’invitation du Seigneur sans cesse réitérée, « la miséricorde de Dieu n’est refusée à personne » (AL 300).
- Des baptisés peuvent n’avoir jamais eu l’occasion de se préparer à la communion. Il n’est jamais trop tard, vous savez que le service du catéchuménat accompagne chaque année de nombreux adultes de notre ensemble paroissial souhaitant grandir dans la foi en Jésus-Christ et recevoir sa vie dans les sacrements. 10 adultes de notre paroisse communient pour la première fois ce 22 juin.
- Voici une autre situation : des chrétiens ne viennent pas communier parce qu’il leur a été dit ou qu’ils ont lu quelque part qu’ils ne pouvaient pas communier. Dans ce cas-là, nous le voyons, ce n’est plus une décision personnelle mais une injonction extérieure qui s’impose et interdit. Cette parole lue ou entendue est-elle légitime et juste ? Et ce n’est pas parce qu’elle a été prononcée ou écrite par un prêtre qu’elle le serait, je suis témoin de très nombreux abus ou ignorances en la matière. Car beaucoup ignorent ou ne veulent pas mettre en œuvre le chapitre 8 de l’exhortation du pape François « la joie de l’amour » (Amoris Laetitia AL) : « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! » (AL 297) et le pape François ajoute : « J’invite les fidèles qui vivent des situations compliquées, à s’approcher avec confiance de leurs pasteurs ou d’autres laïcs qui vivent dans le dévouement au Seigneur pour s’entretenir avec eux. » (AL 312) Avec une équipe, nous sommes à votre disposition pour un échange.
- Enfin, pour des personnes qui vivent une seconde union après un premier mariage sacramentel. Les paroisses du Sud-Est-Lyonnais mettent en œuvre ce que demande Amoris Laetitia à travers la proposition des « Cheminements Bartimée ». Depuis 8 ans, plusieurs personnes de notre ensemble paroissial en ont bénéficié. Comme le demande l’exhortation du pape François, il s’agit d’un « chemin de discernement personnel et pastoral » fondé sur la Parole de Dieu, pour accompagner le parcours de foi de chacun dans la situation qui est la sienne. Dans cet accompagnement, nous découvrons que tout baptisé peut vivre dans la grâce de Dieu et pour cela, recevoir l’aide de l’Eglise qui peut, le cas échéant, être celle des sacrements. (AL 305, n. 351). N’hésitez pas à contacter l’équipe des « Cheminements Bartimée », vous trouverez un flyer et les contacts nécessaires au fond de l’église.
Pour conclure, je voudrais dire que l’enjeu est important et nous concerne tous : « il s’agit d’intégrer tout le monde » (AL 297). « L’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile » (AL 310). En arrivant sur Saint-Priest, j’ai découvert ce magnifique chant fréquemment pris dans nos assemblées au moment de la communion, il dit tout du don de Dieu « toujours immérité, inconditionnel et gratuit » (AL 296). En voici les paroles : « Venez, approchez-vous, soyez bénis, soyez nourris. Venez, l’amour est partagé, aucun n’est digne, chacun est invité. » (Danièle Sciaki).
Prenons conscience que nul n’est « privé de la grâce sanctifiante » (AL 301), les sacrements nous le manifestent, et l’Église n’est pas là pour contrôler la grâce mais pour la faciliter (AL 310). Dans son long discours où Jésus se présente comme « le pain de vie », don descendu du Ciel, il affirme que c’est une question de vie ou de mort pour notre foi : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 53-54).
Ma plus grande espérance, c’est que toute la communauté paroissiale puisse convertir son regard pour intégrer et se réjouir que plus personne ne soit marginalisé en son sein.
Bien fraternellement.
P. Franck Gacogne